logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

“Kwasa-kwasa pour le paradis, ou même pour l’enfer” : Un spectacle pour sensibiliser sur un “drame à huis clos”

“Kwasa-kwasa pour le paradis, ou même pour l’enfer” : Un spectacle pour sensibiliser sur un “drame à huis clos”

Culture | -   Nassila Ben Ali

image article une
Il s’agit d’un “chapelet de mots pour faire écho aux maux de tous les migrants en quête d’un ailleurs meilleur, au péril de leur vie”, a résumé l’auteur de cette création, Tahamida Mbae Soly pour qui la traversée pour l’île comorienne occupée dans la quête d’une vie meilleure n’est autre qu’une “descente aux enfers, un suicide organisé et une mort préméditée”.

 

Le Centre de création artistique et culturelle des Comores (Ccac-Mavuna) a proposé, dans la soirée du dimanche dernier, dans le cadre des activités marquant la célébration de la Journée Maore, le spectacle “Kwasa-kwasa pour le paradis, ou même pour l’enfer”.

Il s’agit d’une pièce musicale en slam, chansons et poésie qui raconte la tragédie d’un jeune, contraint de se rendre sur l’île de Mayotte avec sa femme enceinte à bord d’un kwasa-kwasa, ce canot motorisé à fond plat servant, en principe, pour la pêche.

Au terme d’une traversée nocturne pénible, leur embarcation chargée à raz bord fait naufrage. Arrivé sur l’île et appréhendé par la gendarmerie française qui occupe l’île comorienne et dans l’attente de son expulsion, le jeune homme dont la femme n’aura pas survécu, sera enfermé en compagnie d’autres rescapés au centre français de rétention de Pamandzi. Ainsi, plusieurs poème seront lus et mis en scène.

Interrogé après le spectacle, Tahamida Mbae Soly, lui-même auteur de ce texte a tenu à féliciter les slameurs de la compagnie Art de la plume et le musicien Tchatcha man qui ont travaillé dans des conditions pas évidentes et qui ont été, cependant, “remarquables”.

“Après une résidence de quinze jours au Ccac, je crois que ces jeunes ont fait de leur mieux même si on peut noter quelques imperfections ici et là”, a déclaré celui qui a mis en place cette création.


Kwasa-kwasa pour le paradis, ou même pour l’enfer est un chapelet de mots écrits et créés pour faire écho aux maux de tous les migrants en quête d’un ailleurs meilleur, au péril de leur vie, a écrit l’auteur dans le dossier du projet relatif à ce spectacle.

“On cherche le paradis, on trouve l’enfer”, tel est le slogan scandé par les slameurs pour montrer que cette traversée périlleuse “encouragée par des rêves utopiques d’une vie meilleure au-delà du bras-de-mer entre Ndzuani et Mayotte n’est autre qu’une descente aux enfers, un suicide organisé et une mort préméditée”.


“Visa Balladur, visa de la mort”
 
C’est d’ailleurs l’opinion de l’un des slameurs qui, depuis 2013, s’est familiarisé avec ce texte et a décidé de participer à cette campagne qui vise à dénoncer ce “visa de la mort”, à sensibiliser la population sur le danger lié à cette traversée et à obtenir sa suppression.

 

Sensibiliser la population pour que nul n’emprunte le Kwasa est un combat pour tous. Quand je déclame le texte, je me souviens de beaucoup de personnes, proches et voisines, amis, qui ont perdu la vie ou leurs proches. La traversée en kwasa-kwasa est un suicide et l’islam est contre le suicide, soutient Ansoir Ahmed Abdou.


Ce spectacle entre dans le cadre d’une campagne de sensibilisation sur le “drame à huis clos” qui a déjà fait plus de douze mille morts dans ce bras de mer de soixante-dix kilomètres, entre Ndzuani et Mayotte, deux îles sœurs de l’archipel des Comores, devenu le plus grand cimetière marin du monde, depuis que la France a instauré le visa Balladur en 1995 pour tout Comorien qui veut se rendre sur cette île pourtant partie intégrante de l’Union des Comores.

C’est d’ailleurs le point essentiel qui fait l’objet de la sensibilisation menée en marge de la résidence dans les différents établissements scolaires dont le Groupe scolaire Avenir, Lycée de la Pléiade, Université des Comores (Ifere, Iut et Mvuni).

Dans les jours à venir, la sensibilisation se poursuivra dans plusieurs localités, notamment, Mbeni et Hahaya. “Nous regrettons le manque de moyens qui fait que notre projet de pousser la sensibilisation jusqu’à Ndzuani ne peut être réalisé”, déplore Soly qui parle d’un budget “pourtant réduit”.
 

Commentaires