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Un passeport comorien brûlé en direct : Quelle protection juridique pour les symboles et propriétés de l’Etat ? 

Un passeport comorien brûlé en direct : Quelle protection juridique pour les symboles et propriétés de l’Etat ? 

Société | -   Mohamed Youssouf

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Dans la nuit de mardi dernier, un jeune s’est filmé en train de bruler “son” “passeport comorien”. En commettant cet acte “répréhensible et condamnable”, ce jeune qui réside en France a provoqué un tollé et a posé le débat sur la protection des symboles et des biens de l’Etat. L’article 410 du code pénal prévoit une peine de 5 à 10 ans pour des actes similaires toutefois, des juristes informent que les dispositions de cet article sont “contestables”, pour le cas de détérioration de passeport. En clair, ils expliquent que la loi n’est pas aussi concise et pourtant “une infraction n’en est une que lorsque la loi a prévu ainsi. On ne peut donc pas supposer l’infraction”, dit-on. 

 

Alors que les passeports comoriens font l’actualité depuis quelques semaines pour avoir été vendus sans contrôle et à des personnes sous sanctions américaines, alors que le ministre comorien des Affaires étrangères vient de procéder à l’annulation de 170 passeports qui seraient délivrés hors circuits officiels, alors que les documents biométriques, passeport et carte d’identité nationale, viennent de connaitre une hausse de leur prix, un Comorien de la diaspora, en direct sur le réseau social Facebook, a brûlé “son” “passeport comorien”.

Cet acte d’une extrême gravité a été qualifié par les uns d’inacceptable, honteux et non patriotique alors que d’autres l’assimilent au fait de brûler le drapeau national à en croire les commentaires des personnes qui ont suivi cette vidéo.

Ce “Comorien” répondant au nom d’Oppong Mongozi si l’on se réfère à son profil Facebook, se trouve en France et selon ses dires, c’est sa manière de manifester son mécontentement et son désespoir par rapport au régime en place.

À la base, brûler un symbole de l’Etat ne devrait en aucun moment servir pour faire valoir des droits et des libertés y compris celle de l’expression. D’autant plus que le passeport demeure la propriété de l’Etat comorien.

Indignation est donc le sentiment qui prédomine les Comoriens à l’image de l’internaute Elarif Bourhani qui rappelle qu’un passeport appartient uniquement à l’Etat et que le fait de le brûler peut signifier qu’on renonce à sa “comorianeté”.

Pour le constitutionaliste, Mohamed Rafsandjani, “s’en prendre au passeport, qui est un bien de l’Etat, un élément de notre identité, portant le sceau de la nation ne devrait pas être un argument pour servir une cause qu’importe laquelle. D’ailleurs, juridiquement, certains propos ou actes peuvent être interdits d’expression voire punis par la loi” a-t-il fait part.

Cette affaire aura eu le mérite de soulever un vide juridique à en croire des juristes interviewés par Al-watwan. En effet, l’article 410 du code pénal comorien dispose que

 

quiconque aura volontairement brûlé, d’une manière quelconque des registres, minutes ou actes originaux de l’autorité publique, des titres, billets lettres de change, effets de commerce ou de banque, contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge

 

encourt la peine de 5 à 10 ans ainsi qu’une amende de 100 à 250 mille francs. Pour Me Abdoulbastoi Moudjahidi, les dispositions de cet article peuvent être contestées.


Indignation

Il explique que le tout  est de savoir si le passeport constitue un titre opérant obligation, disposition ou décharge. “Raison pour laquelle cette disposition est contestable. A mon humble avis, je ne crois pas que cet acte puisse constituer une infraction” a-t-il dit avant de reconnaître que les dispositions de l’article 410 du code pénal pourraient tout de même laisser planer le doute sur une éventuelle interdiction de brûler ou de détruire un passeport.

Cette incertitude juridique est partagée par Mohamed Rafsandjani qui confirme que l’article 410 du code pénal “ne punit pas le faite de bruler ou de détériorer un passeport” du moins pas aussi clairement.

 

On ne peut élargir des infractions d’autant plus que l’interprétation doit être concise. Si la détérioration d’un passeport peut être assimilée à un acte de vandalisme contre un bien public, il existe un principe en droit qui est celui de la légalité des délits et des peines. Une infraction n’en est une que lorsque la loi a prévu ainsi. On ne peut donc pas supposer l’infraction. Selon ses propos,

 

la loi punit uniquement le fait de brûler ou de détériorer des pièces qui constituent des obligations, dispositions ou décharges, documents privés ou publics devant participer à une enquête sur un délit ou un crime. Il se pose donc la question de la protection juridique des symboles et des biens propriétés de l’Etat à l’image du drapeau, du passeport, de la carte d’identité nationale, de l’hymne national entre autres.

Contacté par Al-watwan via les réseaux sociaux, l’auteur de cet acte “condamné et condamnable” a décliné notre invitation.


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